Bon, je trouve mon texte franchement pas terrible, mais je n'aurais sûrement pas le temps d'écrire quelque chose de plus potable
Antoine Démova était flic. Commissaire de police pour être plus précis. Il avait à peine la trentaine, mais il avait déjà le sang froid et la gravité des anciens.
Il était de taille normale, brun, sportif, assez beau pour tout dire. Mais ce qui frappait surtout chez lui, c’était ses yeux noirs. C’était des yeux toujours mouillés, qui, quand ils vous fixaient, vous retournaient l’âme tant on pouvait en lire dans un regard.
Côté comportement Antoine était du genre discret.
On ne savait rien de lui, à part qu’il vivait seul dans un grand appartement. Habillé de sombre et fuyant toute conversation, personne n’aurais pu croire qu’il avait autant de génie dans l’exercice de son métier. Mais le fait est qu’il dirigeait ses hommes avec une main de maître, et qu’il était patient et compréhensif, ce qui le rendait très abordable pour les gens du dehors. Il avait quelque chose en plus que les autres, quelque chose qui l’élevait au dessus du commun des mortels et le rendait insondable. Rien qu’un regard lui suffisait à se faire obéir, et on ne parlait de lui qu’avec infiniment de retenue et de respect, comme si il était omniprésent dans tous les esprits.
Bien sur il était humain, et cela se manifestais par de brusques changements d’humeur qui le poussait à s’enfermer immédiatement dans son bureau et envoyer balader quiconque s’avisait de le déranger. Il se mettait en colère sans raison, une colère noire qui faisait trembler tous le commissariat, même si celle-ci ne se manifestais pas toujours au grand jour.
Heureusement, la plupart du temps ces « crises » se manifestaient assez rarement, ce qui permettait d’apprécier ses qualités.
C’était cette attitude si complexe et si distante, tout en restant à l’écoute du moindre souci des personnes qui l’entouraient, qui le rendait si plaisant, et il avait réussi à se faire aimer tant par ses collègues que par les contribuables.
***
Ce jour là, comme tous les matins, Antoine arriva au commissariat à pied. Il arrivait toujours une demi-heure en avances, et se réservait ces moments passés seul à des songeries dont lui seul connaissais la matière.
Nous étions fin janvier, et le froid était dense. Pourtant, un obstinément farouche le poussait à rester planté là, devant le bâtiment. Il n’avait guère qu’un manteau en acrylique, une écharpe en laine et des gants en cuir. Il s’habillait toujours très élégamment, mais il ne semblait pas pour cela tenir compte des changements de température.
Il sentait bien le froid pourtant, car il était d’une pâleur livide, et à chaque souffle de la buée s’élevait autour de son visage.
Certaines silhouettes qui passaient dans la pénombre s’arrêtait pour le saluer.
« -Et bien alors monsieur Démova, comment allez vous ?!
-Bien ! Et vous monsieur Ducoin ?
-A merveille comme vous voyez ! Vous feriez mieux d’rentrer, fait pas chaud ce matin…
-Ça ira merci. Bonne journée.
-De même ! »
« -Et alors monsieur l’commissaire, vous êtes encore à vous g’ler dehors ?
-Mais le froid conserve madame Martin.
-Vas vous êtes solide, mais n’allez pas nous attraper une pneumonie !
-Je ferais attention. »
C’était un matin d’hiver comme celui là que cela arriva.
Le soleil n’avait pas encore percé la nuit opaque de ses rayons irradiés, et comme d’habitude, Antoine patientait dans le froid devant le commissariat, sous la lueur froide du seul et unique réverbère qui desservait la rue.
Tout occupé dans de sombres réflexions, il ne remarqua pas les silhouettes menaçantes qui semblaient progressivement se rapprocher en cercle autour de lui.
Quand enfin il releva la tête, brusquement prit d’effroi, il vit quatre individus cagoulés lui sauter dessus et le battre à mort…
***
« -Vous êtes de la famille ? » Demanda le médecin.
« -Non, nous étions sous ses ordres, on ne sait pas si il a des proches parents. »
Le médecin considéra, l’œil amusé, les policiers venus aux nouvelles : en uniforme, tenant leur képi entre leurs mains moites, embarrassé d’expliquer pourquoi ils étaient tous venus, ils avaient l’air vraiment comique.
« -Bon, et bien je suis désolé de devoir vous l’annoncer, mais votre supérieur ne passera pas la nuit. Trop d’organes vitaux ont été touchés, les coups ont occasionnés de graves lésions au niveau du thorax et une fracture du crane. Je suis navré. »
Un long silence suivit cette déclaration. Tous les yeux étaient fixés sur le praticien, comme un lourd reproche atténué par un peu d’espoir.
« -Vous…vous êtes sûr que vous ne pouvez pas tenter quelque chose ?
-Non, je vous l’ai dit.
-On…on pourrait le voir dans ce cas ?
-Oui bien entendu, je vais vous y conduire suivez moi. »
La file de policiers, muets de stupeur pour la plupart, suivit en un long cortège le guide jusqu’à la chambre ou, en une lente et douloureuse agonie, leur commissaire s’éteignait petit à petit.
C’était en arrivant au commissariat au matin que Michel Lovack, l’inspecteur principal, avait découvert Antoine, étendu inanimé dans un coin, dans un état pitoyable. Ses vêtements avaient été déchirés de part en part, et du sang s’écoulait de plusieurs blessures à la tête, souillant sa chevelure, et laissant de sombres marques noires sur le pavé.
Tout le commissariat avait été bouleversé par la nouvelle, et encore plus en découvrant qu’il s’agissait d’un règlement de compte voyous-policiers. Des arrestations dans la cité avoisinante ayant déclenché l’hostilité des habitants, trois d’entre eux avaient attendus Démova là ou ils le savaient seul et où sa vigilance lui ferait défaut.
A présent, au fond d’un lit d’hôpital, leur victime vivait ses derniers instants…
***
Antoine n’avait pas tout de suite compris ce qui lui arrivait, mais quand il sentit les coups lui labourer l’estomac et les côtes il était déjà trop tard. La douleur le terrassait déjà, et il n’avait plus que la force de gémir en se plaquant contre le sol.
Puis on l’avait saisi par le col et soulevé, avant de le jeter avec brutalité sur le pavé. Sa tête avait percuté violement la chaussé, et depuis la souffrance le tenait contre elle, lui empêchant tout repos, tandis que l’ironie du sort le tenait éveillé.
Même si il ne parvenait pas à comprendre tout ce qui se disait autour de lui, il avait compris que c’en était fini de lui, et il attendait, sans hâte mais sans peur, la souveraine mort, qui emporte les hommes de son baiser glacé.
Il la voyait se tenir devant lui, cette mort. Magnifique dans une robe grise, ses long cils noirs entouraient d’un écrin ses pupilles brillantes, et ses cheveux ébènes étaient sagement rabattus derrières ses épaules. Sa poitrine généreuse et ses lèvres charnues frémissaient doucement : elle attendait en silence que le patient se décidât à la rejoindre.
Des bruits de pas mal étouffés le tirèrent de sa contemplation. Il tendit l’oreille, faute de pouvoir ouvrir les yeux, et reconnu la voix de ses collègues qui chuchotaient. Il sentait leurs présences autour de lui, et malgré la douleur que lui occasionnait chaque geste, il s’efforça d’esquisser un sourire à leur intention.
On lui serrait chaudement la main, et une vague d’amour réchauffa son corps blessé : il était heureux de les savoir là, près de lui, l’accompagnant jusqu’à la fin, elles, les seules personnes en qui il avait confiance.
Il entendit alors faiblement la voix du jeune Mathieu, la toute dernière recrue, qui lui demandait s’il souhaitait quelque chose en particulier.
Oui il souhaitait quelque chose, mais comment le leur dire ?
Il rassembla ses dernières forces, et d’une voix éraillée il articula « Lucie. »
« Il a perdu connaissance » Déclara le médecin.
***
Son souhait à peine prononcé, il avait sombré dans un trou noir.
Mais, étrangement, il percevait une lumière diffuse, venu il ne savait d’où, mais dont la douceur l’apaisa. Soudain, il s’aperçut qu’il ne sentait plus la douleur. Il ouvrit les yeux prudemment, et se redressa. Tout autour de lui était d’un blanc éclatant, qui tirait vers le beige à l’horizon. Il se dégagea de ses draps et fit quelques pas : il commençait à se demander si il n’était pas mort.
Quelque chose semblable à une grande lumière l’attira. Arrivé à proximité il vit la silhouette d’une femme se détacher de la lumière crue. Il frémit. La femme s’approchait. Il fit un pas en arrière puis, après avoir été un instant bouche bée, il s’effondra sur le sol en sanglotant.
« -Antoine ! »
L’interpellé continuait à pleurer toutes les larmes de son corps sans pouvoir s’arrêter.
« -Antoine répond moi ! »
Une jeune femme blonde, si émue qu’elle en pleurait aussi, s’approcha de lui et le prit dans ses bras.
« -Antoine ! Je suis là, c’est moi ! Calme-toi je suis là, voyons ne pleure pas comme ça. Je suis si contente de te revoir… »
Elle l’étreignit encore, puis lui saisit la tête à deux mains et l’embrassa.
Le jeune homme parvint enfin à se maitriser, et un doux apaisement se répandit en son âme.
« -Mais…mais qu’est ce tu fais là ?
-Tu n’es pas content de me voir ?
-Lucie…
-Antoine ?
-Je t’aime… »
Ils se relevèrent et restèrent quelques instant l’un contre l’autre, tout occupés à savourer la joie de leurs retrouvailles.
« -Alors comme ça ton dernier souhait ç’a été de me voir ?
-Je n’ai jamais rêvé que de ça.
-Comme tu es chou… Tu n’as pas changé…
-Toi non plus… »
Ils s’abimèrent dans la contemplation l’un de l’autre : Lucie, les cheveux au vent comme toujours, respirais la fraicheur de la montagne, exactement comme il l’avait rencontré la première fois. C’était une vraie chèvre des montagnes, sauvage et indomptable, qu’Antoine avait apprivoisé avec passion. Ses yeux bleus brillaient de malice, mais aujourd’hui c’était de joie, ce qui la rendait plus belle encore.
Leurs deux visages irradiaient d’un éclat mystérieux, plus beau que la joie, plus fort que l’amour : ils rayonnaient.
Antoine la prit contre lui.
« -Mon amour… Je ne t’oublierais jamais… »
Lucie lui sourit, et l’étrange lumière faiblit peu à peu. L’obscurité se réinstalla progressivement, et une fois que le noir fut, la douleur revint, énorme, lancinante.
Démova se réveilla.
Il entendit le bip bip des appareils électrique autour de lui, et il discerna à nouveau la voix de ses collègues :
« -Il s’est réveillé. »
Au milieu de ses souffrance, il ressentit aussitôt une joie profonde, un bonheur insondable, et il remercia le ciel de lui avoir accordé la possibilité de la revoir une dernière fois.
« -Son rythme cardiaque est faible…
-Mais…il pleure !
- Tais-toi donc, tu ne vois pas que ce sont des larmes de joie ? »
Antoine Démova fut enterré auprès de son épouse disparue il y a huit ans. Il n’avait jamais parlé d’elle à personne…